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Libertés

Les radios pirates sont de retour... avec les luttes

Les radios pirates, nombreuses dans les années 1970, puis les radios militantes (à partir de 1983) se sont progressivement éteintes, à quelques exceptions près. Cependant, depuis quelques années, les ondes hertziennes bruissent à nouveau de voix libres qui accompagnent les luttes écologiques et sociales.

Depuis 2012, à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), Radio Klaxon [1] émet illégalement sur Radio Trafic, la fréquence de Vinci, le promoteur de l’aéroport. La zone de diffusion est faible, mais les automobilistes peuvent capter, sur quelques kilomètres, la voix des opposants. L’idée est d’avoir un moyen de communication indépendant qui permette de donner rendez-vous, de préciser la position des barrages de police, d’annoncer divers événements, de lancer des coups de gueule, etc.

C’est ainsi qu’il est possible d’entendre des appels aux « copines et copains qui ont une remorque, des bras, de la motivation, pour faire un trajet à la déchetterie : il y a un tas dégueulasse, genre fin de chantier, sur le chemin de Suez. La Wardine [un des lieux de vie de la Zad] cherche une clé pour accorder un piano. Il y a des tuyaux de poêle disponibles pour ceux qui veulent préparer l’hiver prochain. Le Moulin de Roanne cherche du fer à béton et du grillage ». [2]

Les émissions sont réalisées « par des pirates qui n’ont jamais fait de radio ». « Tu peux y écouter des nouvelles de la Zad et d’ailleurs, des interviews extraordinaires, des trucs bizarres, des reportages sur des luttes actuelles ou passées, de la musique super et pas de pub ! » [3] La radio accueille et donne la parole à des militants de passage, « des Chiliens mapuches, des camarades turcs, ou relaye des émissions de Radio Canut, Radio Libertaire, Radio Zinzine [4]. Mais il faut rester conscient que si tu parles à tous tes amis, la police reste à l’écoute ! » explique Camille.

De plus en plus de radios éphémères 

Depuis Radio Klaxon, les militants croisent de plus en plus de radios éphémères. À Bure (Meuse), une nouvelle mouture de Radio Active [5] a émis début août 2015 autour du campement des opposants au centre d’enfouissement. Il s’agissait d’une « antenne autogérée qui émettait sur le 88 MHz, audible dans un rayon de quelques kilomètres. Elle diffusait des annonces quant au trafic pour accéder au site, des interventions ponctuelles et spontanées sur la vie du camp, des reportages et témoignages, etc. » Là aussi, l’idée est d’avoir son propre moyen de diffusion de l’information et de communiquer amplement avec les sympathisants. « La radio est alors considérée comme un outil que chacun-e peut s’approprier au cours du rassemblement, en apostrophant les copines et copains de l’automédia. » [6]

Quelques semaines plus tard, lors d’une mobilisation contre l’usine d’armement Nobel sport, à Pont-de-Buis (Finistère), du 23 au 25 octobre 2015, Radio Poudrière émet en continu sur le 98.6.
Au programme : « Des rencontres, une présentation des armes de la police, des habitants qui racontent l’histoire de l’usine, avec ses explosions, ses risques industriels et ses accidents du travail. Ils parlent de son emprise sur la vie du village. »

Se réapproprier les ondes et la parole 

En 2016, au cours des manifestations et occupations contre la loi Travail, quelques émetteurs pirates diffusent des voix alternatives. Qu’il s’agisse de Radio Croco à Rennes (Ille-et-Vilaine), qui avait installé son quartier général à la Maison du peuple, ou de Radio Cayenne à Nantes (Loire-Atlantique), leurs débuts furent pirate avec l’occupation temporaire d’une fréquence. Leurs buts étaient de transmettre en direct les événements, sans censure ni dépendance. Elles se sont créées avec du matériel de récupération et, à l’instar des pirates des années 1970, grâce au soutien de techniciens et de passionnés de la radio. Ces antennes donnent la parole à tous ceux et toutes celles qui ont envie de parler de luttes en cours.

Radio Croco et Radio Cayenne ont depuis lors cessé d’émettre sur la FM pour se transformer en webradios. Elles y ont rejoint leurs consœurs de Radio Debout, créée en 2016 lors du mouvement Nuit debout place de la République à Paris [7], ou Jungala radio, qui diffusait des interviews de migrants habitant la jungle de Calais (Pas-de-Calais) mais qui a cessé d’émettre depuis l’évacuation du camp [8].

Ces expériences radiophoniques manifestent le besoin de se réapproprier les ondes et la parole. La situation ressemble à s’y méprendre à celle des années 1970, qui connut une multiplication des journaux régionaux et des radios pirates animés par des amateurs, des habitants et des sympathisants en lutte pour « vivre et travailler au pays ». Aux mêmes maux, les mêmes remèdes ?

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