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Agir pour faire valoir ses droits


Le droit de retrait et le droit d’alerte

Si l’employeur n’a pas mis en place les mesures de prévention et de protection nécessaire, les salarié·es disposent de droits et de moyens d’action pour ne pas mettre en danger leur santé.

 Droit de retrait

Le droit de se retirer d’une situation de travail dangereuse, c’est le “droit de retrait” (article L. 4131-1 du code du travail) : “Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation. L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.”

L’utilisation du droit de retrait est bien plus intéressante qu’une absence injustifiée : en effet, l’absence injustifiée donne le droit à votre patron de vous sanctionner et de ne pas payer les heures que vous n’avez pas faites. S’il n’engage pas de procédure de licenciement, vous pouvez rester pendant des mois sans salaire et sans chômage, tandis qu’en cas de droit de retrait, la rémunération est maintenue.

Comment utiliser son droit de retrait ?

  • 1. Je constate un danger grave, c’est-à-dire pouvant entraîner la mort ou une incapacité totale ou prolongée de travailler, et imminent, c’est-à-dire pouvant survenir brusquement. Le coronavirus peut répondre à cette définition, si l’on a un motif raisonnable de penser que l’on peut être contaminé sur son lieu de travail (collègue présentant des symptômes par exemple ou non respect des consignes sanitaires dans l’entreprise) et que cette contamination aura des conséquences graves, pour soi ou pour les autres (personnes fragiles notamment).
  • 2. Attention cependant, dans ses directives, le ministère du travail indique que l’usage du droit de retrait ne serait pas valable si l’employeur a mis en œuvre toutes les consignes sanitaires. En tout état de cause, seul le juge valide l’usage légitime ou non du droit de retrait, en fonction de la situation particulière du travailleur ou de la travailleuse et des mesures prises par l’employeur. Vous pouvez aussi saisir l’inspection du travail pour appuyer votre demande, mais sa décision n’aura pas la même valeur que celle d’un juge.

Le droit de retrait se fonde sur un “motif raisonnable” et non sur la réalité du danger : le juge doit alors apprécier les connaissances et l’expérience du ou de la salarié·e afin de déterminer s’il a pu raisonnablement penser que la situation représentait un danger grave et imminent. Et la jurisprudence donnerait plutôt raison, moyennant certaines conditions, au ou à la salarié·e qui veut se protéger du coronavirus (voir ci-dessous).

Ce qui est certain, c’est que de l’avis même du gouvernement, le fait que l’employeur ne mette pas en œuvre les recommandations du gouvernement peut ouvrir la voie au droit de retrait : refus de télétravail alors qu’il est possible, pas de protection mise en place en cas d’accueil du public, absence d’affichage des gestes barrières, absence de nettoyage adéquat des locaux etc.

  • 1. Je signale à mon employeur l’utilisation de mon droit de retrait par tout moyen, mais de préférence par écrit (mail, lettre recommandée avec accusé de réception ou courrier remis en mains propres) en lui indiquant le risque afin qu’il prenne les mesures nécessaires pour le faire cesser.
  • 2. J’informe les délégué·es du personnel au CSE afin qu’ils puissent mobiliser le droit d’alerte (voir ci-dessous).
  • 3. Je me retire et rentre chez moi. L’employeur ne peut me demander de retourner à mon poste qu’après avoir fait cesser le risque.

L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour permettre aux travailleurs·euses de quitter immédiatement leur lieu de travail (article L. 4132-5). Sauf abus manifeste, aucune sanction ne peut être prise contre les travailleurs·euses qui font valoir leur droit de retrait (L. 4131-3).

C’est un droit individuel, mais qui est plus protecteur lorsqu’il est exercé collectivement. Il peut être déclenché par des représentant·es du personnel en lien avec un droit d’alerte par exemple. Dans ce cas, chaque salarié·e doit bien signer individuellement son utilisation du droit de retrait. C’est ce qui s’est passé cette semaine dans des entreprises comme Bombardier, Capgemini, Valeo, General Electric, PSA, Renault, Renault Trucks ou aux Chantiers de l’Atlantique, et ce qui a été mis en oeuvre début mars au musée du Louvre. Le caractère collectif du recours au droit de retrait protège les salarié·es d’éventuelles sanctions illégitimes, plus difficiles à mettre en oeuvre.

A noter, le droit de retrait est limité par les risques qu’il peut faire encourir aux autres (L. 4132-1 : “Le droit de retrait est exercé de telle manière qu’elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.”).

Pendant le temps du retrait, le contrat est suspendu. Par conséquent, le ou la salarié·e n’est plus tenu·e de se présenter à son poste tant que la situation dangereuse demeure mais que l’employeur doit toujours verser le salaire puisqu’il n’assume pas son obligation de santé et de sécurité.

 
Focus jurisprudentiel : le droit de retrait
Les tribunaux ont pu juger par le passé que l’état de santé d’un·e salarié·e, comme son environnement de travail, justifient l’exercice du droit de retrait : par exemple, un·e agent de surveillance, muté·e sur un poste le ou la mettant en contact avec des animaux et des produits chimiques, alors même qu’il ou elle subit de graves problèmes d’allergie (Cass. soc., 20 mars 1996, n° 93-40.111, n° 1336 P). Le danger doit être grave et imminent, ce qui implique que l’exposition puisse avoir lieu dans un délai rapproché. Ce danger englobe les effets des nuisances tenant aux conditions de travail (vapeurs nuisibles, bruits excessifs, poussières, etc.), dès lors que ces nuisances prennent un caractère aigu. Tel est le cas, par exemple, lorsque le local de travail du ou de la salarié·e n’est pas chauffé lors de grands froids et qu’au cours de son activité des gouttelettes d’eau gelée en suspension irritent les yeux et voies respiratoires d’un salarié (v. CA Douai, 20 avril 2012, n° 11-01756). Ce n’est pas le cas, par contre, pour des courants d’air par exemple : le danger doit avoir un caractère de gravité.

L’absence d’équipements de protection collective ou individuels appropriés peut justifier le recours au droit de retrait : cela a été jugé plusieurs fois par le passé (CA Douai, ch. soc., 29 avr. 2005, n° 04/01725 ; (CA Montpellier, ch. soc., 20 mars 2002, n° 00/01655) ; il convient de prendre en compte la gravité et la probabilité d’occurrence du danger. La qualification de danger grave risque d’être écartée si le juge estime que le risque est habituel : il l’a fait pour un convoyeur de fonds ou pour le secteur du nucléaire (CA Aix-en-Provence, 8 novembre 1995 ; CA Versailles, 11e ch., 26 février 1996, n° 94-22877).

Selon les juges, des conditions d’hygiène douteuses et la saleté des sanitaires ne constitueraient pas, à elles seules, un danger justifiant le retrait du ou de la salarié·e (Cass. soc., 5 juill. 2011, n° 10-23.319). Mais on peut penser que le contexte d’épidémie changerait considérablement leur appréciation. Ceci n’empêche pas le Ministère du Travail de déclarer sur son site que le respect des préconisations et des gestes barrières suffit à rendre inopérant le droit de retrait. De la même manière, une circulaire du Ministère en 2009 relative à la pandémie grippale a rappelé que « les mesures de prévention, la prudence, et la diligence de l’employeur privent d’objet l’exercice du droit de retrait qui se fonderait uniquement sur l’exposition au virus ou à la crainte qu’il génère ».

Le non-respect de règles de sécurité par l’entreprise peut cependant être considéré comme un motif raisonnable d’exercer le droit de retrait (voir Cass. soc., 5 juillet 2000, n° 98-43.481). Le raisonnement est transposable aux consignes données par le gouvernement sur le coronavirus (recours au télétravail dès que possible, gestes barrière, etc).

Le danger conduisant le salarié à exercer son droit de retrait n’a pas nécessairement à être effectif et réel. Ceci vaut même si le rapport d’un expert ou de l’inspecteur du travail a exclu par la suite l’existence d’un danger réel et prévisible (Cass. crim., 8 octobre 2002, n° 01-85.550). Il suffit en effet que l’intéressé·e ait pu penser « raisonnablement » qu’il existait un danger pour sa santé et sa sécurité. Sur cette base, on peut donc penser que le juge écartera les préconisations du Ministère du Travail.

 
Droit d’alerte

Le droit d’alerte est le droit, en tant que représentant·es du personnel d’alerter l’employeur et d’exiger des mesures de protection. Le ou la travailleur·euse alerte son employeur de toute situation de travail dont il ou elle estime qu’elle présente un danger grave ou imminent pour sa santé ou sa vie ainsi que de toute défectuosité constatée dans les systèmes de protection. Le recours au droit d’alerte permet de soulever la question au niveau du CSE, et donc de faire prendre conscience à tous du danger. Il oblige l’employeur à mettre en oeuvre une procédure spécifique pour lever ce danger.

Il suffit d’un·e membre du comité social et économique (CSE) pour alerter l’employeur (L. 2312-60 du code du travail). L’alerte est faite par écrit, sur un registre spécial (L. 4132-2, D. 4132-1 et 2). Une enquête doit immédiatement être faite par l’employeur, en lien avec le CSE, et il doit prendre les dispositions nécessaires pour remédier au danger grave et imminent. Si l’employeur n’est pas d’accord avec le CSE sur la réalité du danger, ou les mesures de prévention à prendre, le CSE est réuni sous 24 heures, l’inspection du travail et la Sécurité sociale sont prévenues. Durant la réunion s’il y a désaccord entre l’employeur et les travailleurs·euses, l’inspection du travail intervient.

En cas d’accident ou de maladie professionnelle faisant suite à l’alerte, les travailleurs·euses bénéficieront de la “faute inexcusable de l’employeur” (une indemnisation supplémentaire, à la charge de l’employeur)

 
L’action collective et la grève

L’action collective est la base du syndicalisme. C’est elle qui permet en général de faire avancer la situation des salarié·es. Un droit ça se revendique ! C’est sans doute la meilleure méthode en cas de pratique anormale de votre employeur dans la crise sanitaire : se concerter et agir ensemble, rencontrer la direction, voir arrêter le travail.

Un mouvement de grève peut être déclenché à tout moment, il n’y a pas de préavis ou d’avertissement préalable de l’employeur. Les seules conditions sont :

  • D’arrêter totalement le travail,
  • D’être deux à faire grève et de faire connaître ses revendications professionnelles à l’employeur ou de répondre à un appel à la grève national.

Vous ne pouvez pas être sanctionné·e pour avoir fait grève (L. 1132-3) ni subir de mesures discriminatoires, par exemple en matière de recours au chômage partiel, au télétravail, en matière de sanctions et de primes.

Plusieurs collectifs de salarié·es ont déjà engagé des mouvements de grève face à l’épidémie de COVID-19, en France ou en Italie.

D’autres moyens d’action collective sont possibles, notamment la mise en œuvre concertée du droit de retrait. De nombreux collectifs de salarié·es l’ont déjà fait face au coronavirus (voir plus haut) et peuvent vous faire bénéficier de leur retour d’expérience.

Le collectif c’est aussi le collectif de travail établi par l’employeur. Si vous êtes responsable hiérarchique, vous devez demander la protection des travailleurs.ses de votre équipe.

Vous êtes responsables des ordres que vous donnez aux travailleurs·euses sous votre responsabilité. Si vous estimez que les mesures de prévention ne sont pas suffisantes pour ces travailleurs·euses comme pour vous, vous devez les informer du droit applicable (droit à la protection de la santé et de la sécurité au travail, droit de retrait, droit d’alerte, droit de grève).

 
Déjouer les manœuvres des employeurs

Pour “challenger” les salarié·es et les encourager à prendre des risques inconsidérés, les patrons ne manquent pas d’imagination… Et les ministres non plus. Soyez lucides et ne vous laissez pas piéger !

Certains employeurs ont décidé de mettre en place des “primes de risque” pour les salarié·es qui viendraient quand même travailler. De telles primes sont discriminatoires envers les salarié·es qui doivent garder leurs enfants ou qui ont la santé fragile : il faut les dénoncer en justice au besoin. D’autre part, elles mettent en danger la santé des salarié·es, incité·es à prendre des risques et à ne pas se déclarer malade. Les tribunaux pourraient reconnaître qu’il s’agit là d’un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur, notamment en cas d’accident ou de maladie. Le caractère professionnel de ces accidents et maladies pourrait également être reconnu devant les tribunaux.

D’autres employeurs jouent de la méconnaissance du droit par les salarié·es, et invoquent des textes obscurs, des impératifs exceptionnels, des réquisitions par les hôpitaux, des dépassements d’heures ou modifications de congés… A chacune de ces affirmations, répondez en exigeant de voir le texte qui s’y rapporte. Vous pourrez ensuite l’examiner avec Solidaires ou à l’inspection du travail, pour vérifier si la loi autorise ce que demande votre employeur.

D’autres employeurs manient la menace avec adresse : ils évoquent le risque de fermeture de l’entreprise, de licenciement des salarié·es récalcitrant·es, de non-paiement de salaire. Le gouvernement a pourtant garanti qu’il n’y aurait aucune faillite ni aucun licenciement – cette dernière disposition devrait finalement ne pas figurer dans la loi en cours d’élaboration. Plus de 300 milliards d’euros ont été mis à disposition des banques pour garantir les emprunts des entreprises. Les conditions d’accès à l’activité partielle ont été simplifiées : ce dispositif permet aux entreprises, en cas de baisse exceptionnelle d’activité, de demander l’indemnisation de tout ou partie des heures de travail dues aux salarié·es.

Bref, votre employeur n’a aucune excuse ! Sauf s’il démontre que le télétravail est impossible, et que les mesures de prévention du risque de contagion sont véritablement suffisantes pour minimiser le risque.

Toute sanction ou licenciement abusif, d’autre part, peut faire l’objet d’une contestation auprès du Conseil des Prud’hommes. La saisine est gratuite, et il n’est pas obligatoire de prendre un avocat. Vous avez jusqu’à un an après la rupture de contrat pour y recourir. Vous pourrez également y faire reconnaître le préjudice lié à une situation de harcèlement, ou à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Vous pouvez également y réclamer en urgence des salaires ou heures supplémentaires non payées. N’hésitez pas à vous renseigner auprès de Solidaires en cas de besoin : les syndicats peuvent vous accompagner dans vos procédures.


          

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